Recruter des participants vulnérables en temps de pandémie : Défis, stratégies et leçons tirées de l’étude «Manger avec un budget serré» à Montréal

Contexte et objectifs

Les populations vivant dans des conditions de vulnérabilité sont plus susceptibles de connaître l'insécurité alimentaire, d'avoir une mauvaise alimentation et d'être en mauvaise santé. Déjà un défi pour les chercheurs en santé publique de recruter des populations difficiles à rejoindre, voire «cachées», celui-ci s’est accru depuis la pandémie de COVID-19. L’étude «Manger avec un budget serré», dont la collecte des données a débutée lors de la 2^e vague (mi-février) et se terminera en novembre 2021, vise à comprendre les habitudes alimentaires et l’utilisation de ressources alimentaires chez les ménages à faible revenu dans quatre voisinages parmi les plus défavorisés de Montréal très contrastés en termes de profils sociodémographiques, d’environnement bâti, d’accès aux ressources en alimentation et de concertation locale. Cette présentation vise à : 1) décrire les défis rencontrés lors du recrutement des participants et les stratégies de mitigation pour les surmonter et 2) examiner l'impact de la pandémie sur la réalisation de l’étude.

Méthode et démarche

Un comité consultatif comprenant des intervenants de chaque voisinage assure la gouvernance de l’étude et facilite son déploiement. Quatre stratégies de recrutement ont été implantées successivement de manière additive depuis la mi-février 2021, lors des 2^e, 3^e et 4^e vagues, de manière à respecter les consignes sanitaires en vigueur : depuis février, 1) promotion de l’étude (distribution d’outils promotionnels, diffusion électronique, bouche-à-oreille) et 2) échantillonnage conduit par les pairs (ECP) (distribution de coupons numérotés par vagues aux participants, qui acceptent de devenir recruteurs après avoir complété l’entrevue), depuis mai 2021, 3) partage de listes de participants intéressés par des organismes collaborateurs à l’équipe de recherche et, depuis le passage au niveau d’alerte vert (juin), 4) recrutement directement sur le terrain par l’équipe de recherche. Une application de gestion de suivi des participants permet de collecter des données précises sur : nombre de nouveaux contacts, mode de recrutement, statut d’éligibilité et des données de suivis spécifiques à la méthode ECP. Les quatre stratégies sont évaluées selon le nombre d’entrevues générées/stratégie et l’efficacité de chaque stratégie/voisinage.

Résultats et outils développés 

Au 04 novembre 2021, 416 adultes avaient participé à l’étude : 172 dans Sainte-Marie, 109 dans Saint-Léonard-Sud, 88 dans Faubourg-Saint-Laurent et 47dans Chameran (respectivement 41%, 26%, 21% et 11% de l’échantillon). La promotion de l’étude et la méthode ECP ont généré respectivement 36,5% (n=152) et 36,5% (n=153) des entrevues. Moins de 10% des entrevues ont été réalisées à partir des listes des organismes. En termes d’efficacité par voisinage, la promotion de l’étude et l’ECP ont été plus efficaces dans deux voisinages : 86% (148 participants) à Sainte-Marie, 77% (68 participants) à Faubourg-Saint-Laurent. Les deux premières stratégies, en plus du recrutement par l’équipe ont permis exæquo de recruter 90% (97 participants) à Saint-Léonard-Sud. Dans Chameran, avec une population immigrante transitoire, la présence de l’équipe de recherche sur place, aidée par la publicité, a permis de recruter 36 participants sur 47.

Conclusion et recommandations 

Recruter des populations vulnérables dans les études en promotion de la santé nécessite une combinaison de stratégies complémentaires, qui doivent être constamment adaptées à chacun des contextes spécifiques. La collaboration étroite avec le milieu communautaire est efficace pour recruter la population utilisatrice de services. Cependant, l’ECP permet de recruter des populations cachées et peu connues du milieu communautaire. La distribution de matériel promotionnel non ciblée, est peu efficace, mais permet de faire connaître l’étude. Le contexte de la pandémie a nuit dans les milieux avec des liens sociaux plus faibles, tel que Chameran, dans une certaine mesure, qui requièrent une présence soutenue de l’équipe de recherche sur le terrain pour créer ces liens avec la population. Nos résultats seront utiles aux chercheurs pour recruter des populations vulnérables dans les études.